Les tensions corporelles
Par Lou Yan (François Loutrel) Cours phare mars 2019
"Nous préférons le ralentissement à l’accélération"
Le taï chi est un langage fluide et expressif, sa pratique, une syntaxe et un vocabulaire. La lenteur et le silence constituent des informations décalées dans le désordre et la confusion du monde. Un pas de côté pour se retrouver, se respecter tout en étant en contact réel avec le monde, ressentir son propre mouvement de vie au présent et ressentir que la vie est UNE.
Pratiquer dans un groupe humain formé de gens tous horizons n’est pas une chose aisée à priori. Rencontrer des partenaires et des enseignants nouveaux nécessite une grande capacité d’adaptation, notamment dans le tui shu. Littéralement, ce terme se traduit par « mains collantes, ce qui signifie que la relation martiale avec l’adversaire a pour but de développer une énergie adhérente.
Au taï chi, il n’y a pas de combat mais une appréciation très claire du niveau du partenaire selon cinq critères que sont :
1. La forme qui a trait à la posture accordée avec l’intention. Est-elle correcte ? Est-elle fluide ? Le mouvement circule-t-il partout dans le corps ?
2. L’attention. Le pratiquant est-il présent, attentif à ce qu’il fait ? Ou bien est-il absent, étourdi ? La pratique se fait-elle d’une façon inconsciente, automatique ? Ou bien chaque mouvement est-il une délectation de la perception de l’origine du mouvement du partenaire ?
3. La puissance : « le tout est plus que la somme des parties ». Le pratiquant est-il en mouvement dans toutes les parties de son corps à la fois ? A-t-il intégré la présence et le centrage au tan tien ? L’énergie est-elle gaspillée ou bloquée entre le centre et la périphérie ?
4. La respiration interne. L’énergie interne émane-t-elle du pratiquant ? Ou bien est-ce la force musculaire et la volonté qui dirigent ?
5. L’esprit. Y a-t-il, chez le pratiquant manifestation du trait d’union entre ciel et terre ? Son action est-elle en accord avec le mouvement naturel en lui et autour de lui ?
Toutes ces qualités peuvent transparaître dans la vie quotidienne.
La clé est le ralentissement extérieur par une accélération intérieure.
C’est-à-dire que plus le mouvement est lent, plus l’énergie doit circuler rapidement. Nous devons obtenir une juste tension dans tout le corps ainsi qu’un émotionnel adapté. Ceci est possible avec un état de présence c’est-à-dire un haut niveau d’attention, une absence de tensions résiduelles et émotionnelles. Ces caractéristiques, qui s’obtiennent progressivement par l’observation et le ralentissement, vont permettre aux pratiquants de se comporter ensemble non pas comme des entités séparées, s’opposant l’une à l’autre, mais comme des participants à un mouvement commun. Le taï chi est tantôt fluide dans le mouvement, tantôt cristallisé comme un bloc de granit au moment de l’impact.
Tout se joue dans notre capacité à régler nos tensions sans participation excessive de l’émotion ou de la pensée. Lorsque les tensions lombaires, dorsales, cervicales ne sont pas harmonieuses, le mouvement s’arrête. Chaque articulation est une porte. Attention de ne pas bloquer au niveau des épaules ou dans le bas du dos. La fluidité ne vient pas en travaillant mais en pratiquant de longues heures attentives. Les dissociations nécessaires à la juste tension de l’ensemble du corps se travaillent séparément, c’est pourquoi nous avons de multiples formes.
Celui qui poursuit patiemment voit la réussite venir d’elle-même.