École ITCCA Nimes-Marguerittes) La conduction

La conduction

Lou Yan (François Loutrel). Cours phare n°5, février 2019.

Osseuse

La conduction osseuse se comporte comme les arches d’une cathédrale. Les appuis dans le sol doivent être relayés par des segments orientés de façon à ne pas gaspiller l’énergie.
Afin de conceptualiser simplement, cette architecture concerne la sphère du bas ou la sphère du haut en désignant l’orientation juste des segments osseux dans les trois dimensions de l’espace. Ainsi nous obtiendrons la solidité maximum de la structure osseuse et la meilleure conduction des forces circulant au travers du corps.

Musculaire

Cette conduction est réalisée grâce à un tissage -des muscles agonistes et antagonistes- qui se propage comme une onde. D’abord lente puis de plus en plus rapide, elle est comparable au mouvement d’un fouet qui claque.
Ceci nécessite l’utilisation des muscles dans leur juste physiologie et dans leur juste tension.

Nerveuse

La conduction nerveuse se rapporte d’une part à l’influx nerveux, d’autre part au câblage matériel des nerfs eux-mêmes. Yi est notre intention pour effectuer un mouvement. Cette intention doit être en accord avec la forme du corps. Par exemple, si l’on veut parer vers le haut, le poignet doit être convexe vers le haut.
Ainsi, la conduction nerveuse dépend de la chimie du cerveau, de l’intention, du câblage. Les nerfs, en effet, peuvent être pris dans un réseau de tension musculaire entravant leurs fonctions. Ils créent même des douleurs, projetées de ces nerfs emprisonnés par les muscles. Nous ressentons cela en Yi Kong.
La conduction dépend en outre d’un bon équilibre végétatif et émotionnel.

La conduction osseuse, musculaire, nerveuse

Elle est avant tout conduction énergétique du Qi par le Yi (l’intention) et dépend de l’orientation du faisceau de la conscience.
La conduction active nécessite la découverte de perceptions faisant le lien entre les différentes couches du corps, de la profondeur vers la superficie et inversement :
structure Yin profond -> structure osseuse 
structure médiane   -> muscle et fascias 
structure de surface -> muscle, fascias et peau
L’intégration de ces différentes perceptions s’acquiert activement au cours des expériences de conduction, sur les multiples niveaux d’existence d’un individu.

Les expériences de conduction active :

1. Développer la perception du volume du corps dans la position horizontale : étendu sur le dos, sur le côté ou sur le ventre, nous pouvons traverser par la conscience le volume du corps pour percevoir nos points d’appui au sol. Effectuer par l’imagination l’unité de toutes les parties du corps, celles qui touchent directement le sol et celles qui ne le touchent pas directement. Grâce à cette perception, concerner le volume du corps par le toucher que nous avons avec le sol. S’essayer à traverser consciemment un objet interposé entre son dos et le sol, afin de contacter le sol

2. Mettre en relation les points de contact du sol avec tout le corps lorsque celui-ci est vertical : repousser le sol en des endroits conscients, qui se déplacent sans cesse, tout en gardant la conscience de l’unité du volume du corps. Passer de la position allongée à la position quatre pattes puis debout. Se placer en Qi Gong et sentir l’unité du corps à partir du contact du pied avec le sol, transmis de proche en proche, de segments en segments, d’articulation en articulation, par la conscience.

3. La conduction active par repoussés au travers des segments du corps : placer les mains sur les genoux et percevoir directement au travers de la jambe, pour mettre en relation le sol et la main, puis continuer le travail de conduction consciente du sol jusqu’à l’épaule.

4. Passer au travers du corps d’un partenaire : se placer avec un partenaire en Qi Gong, main contre main, et ressentir les différents segments de l’un et de l’autre, projeter sa conscience au travers des segments et des articulations de son partenaire jusqu’au sol. Garder alternativement les yeux fermés et essayer de ressentir l’accentuation volontaire d’un défaut de la sphère du bas ou de la sphère du haut.

5. Les changements de tonus inconscients peuvent être modifiés consciemment : on peut modifier le tonus pour s’adapter à une contraction musculaire intense. Cette adaptation donne par la suite un sentiment de légèreté. Exemple : après avoir porté quelqu’un sur ses épaules quelques instants, nous sommes capables de hausser les épaules sans aucun effort, et l’on se sent très aérien. Après une relaxation, où le tonus descend très bas, il est nécessaire de s’étirer afin de ne pas être trop mou. Nous pouvons également changer le tonus consciemment par l’intention.

6. La conduction peut être entravée par une tension musculaire excessive : s’exercer au ÖN avec l’intention de donner l’impulsion au Dantien et de détendre suffisamment les épaules et les bras pour que le mouvement se prolonge du centre à la périphérie comme un fouet qui claque. Rigidifier ensuite les muscles pour sentir une poussée locale, appliquée par des muscles mono-articulaires ; apprécier la différence.

7. Pratiquer un Yi Kong pour comprendre l’effet des tensions sur les nerfs. Émettre le Qi par la paume des mains dans le dos d’un partenaire, afin qu’il se sente affecté par l’énergie. Le Qi bouge avec le Yi. La conduction du Qi dépend du Yi. La Forme montre tous les aspects d’une conduction impeccable : osseuse, musculaire, nerveuse et intentionnelle en accord avec la forme.
8. Prendre conscience de l’interdépendance de tous les segments du corps : observer l’alternance Yin-Yang des courbures vertébrales, et l’alternance Yin-Yang de la face ventrale du corps et des membres inférieurs. Comprendre que la conduction est également tributaire de la bonne organisation générale du tonus dans les différents segments du corps.

Une autre forme de conduction.

Lorsqu’on regarde un danseur et la perfection de son geste, on peut s’apercevoir que les différentes conductions abordées ci-dessus ne suffisent pas à comprendre l’harmonie parfaite dans la complexité sans faille d’une chorégraphie.
En effet, les nerfs sont parcourus pas des influx bien trop lents pour coordonner des milliards de fibres myotensives, fibreuses, musculaires.

Il existe un autre mode de communication en temps réel qui explique comment cela est possible.

Ce mode de communication, c’est le Qi, vecteur instantané de l’intention.

L’entraînement conscient est le vecteur indispensable à l’intégration des principes de tenségrité et à l’interaction des différentes composantes du geste complexe.

Yi et Qi, Intention et Énergie, c’est comme passer d’une ouverture de porte avec une clé à une ouverture instantanée, à distance, grâce à un bip !

Serait-ce trop extrapoler si je dis que la conduction active dans le corps est de même nature que la capacité de créer des liens conscients entre le Dantien inférieur, le Dantien médian et le Dantien supérieur ?

Je ne puis m’empêcher de penser, analogiquement, aux différentes passerelles de régulation (permettant l’homéostasie générale et l’homéostasie restreinte) entre les trois tissus embryologiques fondamentaux - mésoderme, endoderme, ectoderme -.

En outre, la conduction active permet de découvrir la manière d’utiliser l’énergie en dehors de son corps, de l’envoyer vers un point précis, extérieur à soi-même. Il est ainsi possible d’entrer dans un champ de réalité où nous ne sommes pas séparés de notre environnement, où notre unité corps-âme-esprit est incluse.